Rêveries parisiennes

Rêveries parisiennes
Une atmosphère très parisienne, près du musée du Louvre

dimanche 13 février 2011

Le charme discret des beaux quartiers


A quelques centaine de mètres de la gare Saint-Lazare: Saint Augustin.


( 12 février 2011)
Il suffit d’un redoux, en plein hiver, pour que Paris se métamorphose et qu’un brin d’insouciance refleurisse sur le bitume tout comme à la terrasse des cafés. Place Saint-Augustin : cette église parmi les plus étonnantes de Paris, coiffée d’un dôme reposant sur des ossatures métalliques, fut conçue par Victor Baltard, le père des défuntes Halles. L’intérieur, poussiéreux, sombre, n’en fait pas une église très mémorable, bien que son orgue soit parmi les plus réputés de France, mais vue de l’extérieur Saint-Augustin a fière allure : l’église parait orchestrer le faisceau de rues qui s’entrecroisent à ses pieds. Et sa coupole se repère de loin.
Le quartier est un pur reflet de l’urbanisme tel que l’avait cogité le baron Hausmann, avec des immeubles à la fois élégants, sobres, respirant une richesse sans trop d’exubérance. Le soleil, qui fait son grand retour, façonne ce pan de ville comme il redonnerait une âme à un jardin pétrifié par le trop long froid hivernal. La pierre se met à chanter, et les balcons, ornés de fers forgés raffinés, paraissent bourgeonner.
Sur la terrasse du Carré, face à l’église Augustin, entre midi et quatorze heures, on peut se faire une idée de la manière dont agit et pensent les strates situées aux étages supérieurs de l’édifice social français. Ne se trouve-t-on pas dans l’un des quartiers les plus chics de Paris? Il suffit de tendre l’oreille pour entendre parler finances, stock actions, investissements et plans de carrière ! Alors que je dessinais l’église qui oscille entre l’art roman et Byzance, un groupe de jeunes plutôt bien sapés prenaient un café. «Notre nouveau directeur vient de Lehman (Brother), expliquait l’un d’eux à ses collègues. On se demande comment on a pu le nommer à ce poste, tant il brille par son incompétence. Et en plus, il donne son aval à des opérations qui sont prohibées depuis longtemps.» S’en suivit une conversation, apparemment innocente, ou bien des gens en prenaient pour leur grade dans ces cercles dorés que sont la finance et les affaires.
A une autre table, trois hommes dans la cinquantaine s’étaient donnés rendez-vous, faisaient connaissance en échangeant leur cartes de visite, et s’engageaient dans une négociation, qui s’annonçait âpre, sur des placements dans le secteur immobilier. A les écouter, on prend conscience de cet esprit de confiance et de prudence qui régit les sphères dirigeantes, où tout prend des allures de politesse parfois froide. Rien d’impulsif, d’imprévu : tout mûrit à l’heure dite, et chacun se raccroche aux autres pour s’assurer sa part de prospérité. La contrepartie de ceci : un monde lisse, aux apparences sereines, où il n’y a pas de place pour l’improvisation et la contestation.
Quand on vient des faubourgs de Paris, qu’on subit les affres du chômage, de la désagrégation sociale, qu’on entend fuser, aux pieds des HLM, des gros mots et qu’on assiste à la recrudescence de toute une économie parallèle structurée autour de petits trafics, on a l’impression de tomber de très haut en dessinant l’église Saint Augustin et en s’imprégnant de telles conversations où il est question de haute voltige financière sur fond de profitabilité. On imagine combien il est doux, parfois, de vivre dans un monde de brutes boursières et entrepreneuriales plutôt que de mener une vie en marge de la société. C’est là, pourtant, le long des boulevards tracés au cordeau, que se décide chaque jour en partie le sort du monde, un sort lié à tant d’opérations complexes se tramant derrières d’harmonieuses et rigoureuses façades haussmanniennes.

Cet immeuble étonnant, faisant penser à un paquebot,
abrite le Cercle national des Armées
Pas de quoi me plaindre, toutefois : les garçons qui s’occupent de la terrasse du Carré me laissent tranquille, à l’heure où les tables les mieux situées, celles au soleil, se font rares. Semblable tolérance vis-à-vis des artistes croqueurs de monuments et paysages urbains n’est pas forcément de circonstance : il m’est déjà arrivé de me faire jeter de plusieurs terrasses dans les beaux quartiers.
Autre café où je prendrai tout mon temps, sans avoir l’impression d’agacer les serveurs (soucieux, il est vrai, de m’assurer leur bienveillance en commandant un petit noir à trois reprises, agrémenté d’un café, ce qui me vaudra un «investissement» fort raisonnable avoisinant 10 euros) : le Grand Augustin, à deux pas du Carré, d’où l’on peut voir se nouer plusieurs grandes artères dont le Boulevard Malesherbes et la rue de la Pépinière. Drôle de rue : en provenance, elle mériterait le titre de boulevard ou d’avenue, en particulier parce qu’elle longe un immeuble parmi les plus stupéfiants de Paris, abritant le Cercle national des Armées. Son entrée donne sur la Place Saint Augustin, mais pour se faire une idée de l’originalité de cette construction, il faut l’admirer depuis ladite rue. L’idée peut alors venir qu’il s’agit d’un paquebot prêt à prendre le large, avec certaines fenêtres évoquant des hublots. D’ailleurs, des officiers étrangers et français en provenance de tous les continents séjournent dans ces murs, où perdure l’écume de la tradition tandis que la marée des voitures, aux alentours, égratigne un peu les belles perspectives parisiennes…

Y. Le. H.

dimanche 30 janvier 2011

Creil, Saint Just : urbanisation galopante en Picardie

(fin janvier 2011)
Les rames  - bleues foncées -  du RER pourraient donner l’illusion qu’on est à quelques kilomètres de Paris, tout comme les exemplaires du Parisien dans les kiosques. Mais bien qu’à une heure par le train de la gare du Nord, Creil fait partie d’une région dont le froid et l’architecture (recours fréquent aux briques) annonce les Flandres.
Une ville aussi agréable qu’inquiétante par certains aspects. Centre névralgique au Moyen-Age, puis pôle industriel dédié à la faïence et à l’aciérie, avant de s’enliser dans les affres du chômage et des tensions sociales, Creil apparaît à dimension humaine : on en fait le tour en quelques quarts d’heure et on évite, se promenant sur les rives de l’Oise, les tourments du métro. Les gens y sont plutôt souriants. Mais la ville s’est développée d’une manière un peu accélérée et brouillonne, semble-t-il, comme en témoigne l’étau de constructions modernes étouffant une vieille église, Saint Médard. Un clocher coiffé d’un pignon aux arrêtes dentelées, qui frappe par son caractère élancé, et le manque de cohérence avec l’église elle-même, une accumulation de toits trahissant l’absence d’une nef unique.

Saint Médard, une église pittoresque à l'aspect très détérioré

La pierre est noircie, gangrénée, et l’ensemble menace de s’effondrer, en panne de rénovation. Un spectacle triste que celle de ce périmètre urbain qui a perdu son rôle de centre de gravitation d’une ville s’étant déplacée de l’autre côté de l’Oise. Dans les immeubles voisins, comme un peu partout dans la ville, ce ne sont que pizzerias, fast-food à l’oriental et restos asiatiques, reflet d’une population bigarrée et d’une manie généralisée à bouffer trop vite ainsi qu’à moindre prix.


Le pub 129, ouvert jusqu'à 3 heures du matin


Moindre prix ? La ville porte un peu partout les stigmates d’un appauvrissement accéléré. Des tracts distribués par des militants de partis politiques résolument ancrés à gauche la décrivent comme la «huitième ville la plus indigente de France». Le jour, il règne une certaine fièvre dans la gare, en partie hantée par une faune peu rassurante. Et la nuit, un foyer d’agitation persiste à deux pas de là. Mais surprise : un établissement ouvre ses portes jusqu’à 3 h, tous les matins, le 129, en vérité un pub déversant dans la rue une musique assourdissante. Pour ceux aspirant au calme, mieux vaut un arrêt an café Le Gambetta, de l’autre côté de l’artère, portant le même nom, se dirigeant vers le pont enjambant l’Oise. Des clients y discutent de manière cordiale jusqu’à 1 h, sous l’égide de tenanciers détendus. Au comptoir, discutant avec une grappe de clients, un grand gars, discrètement, informe que la maison est aussi un hôtel. Tout au dessus de cet espace sympathique, où le petit noir se limite à un euro (au comptoir comme en salle) : une vingtaine de chambres, fort bien tenues. Le grand gars va jusqu’à raconter ses déboires. «Nous organisions des soirées pour un public gay dans une salle, à côté, et des inconnus ont jeté un cocktail molotov…» Effectivement, un amas de ruines calcinées s’étalent au pied de l’hôtel, témoignant la violence tous azimuts qui mûrit en France et qui éclate, «parfois», de manière absurde et excessive.

Parmi les personnes sympathiques rencontrées à Creil : Anouchka (nom fictif), une femme de 39 ans, aux joues rebondies et aux yeux lumineux, curieuse de savoir pourquoi un inconnu dessinait, dans le plus grand froid, l’église de Saint Médard. Elle est d’origine algérienne, a le tutoiement facile, raconte avoir élevé cinq enfants, dans une ZAC perchée sur la colline voisine, en compagnie d’un mari gentil. Elle se saisit de son portable et montre une peinture représentant un lac, pupille bleutée dans un écrin de collines. «C’est à l’huile et j’avais fait ça il y a bien longtemps. La peinture exige du temps et de l’espace car c’est une activité salissante, avec des tubes de couleurs éparpillés partout… Et puis, quand on s’occupe d’une famille, c’est très difficile de concilier la pratique d’un art et l’éducation des enfants.» Mais Anouchka paraît heureuse, mettant une touche de couleur au milieu de ce sinistre hiver dans l’Oise.

La rue de Beauvais, à Saint-Just, déserte le samedi

Rues interminables et impression de solitude 
La couleur dominante, dans les villes du Nord, c’est le rouge cuivre. Maisons en briques, à un ou deux étages tout au plus, aux fenêtres cernées d’un peu de blancs, blotties les unes contre les autres le long de rues paraissant interminables, avec quelques cafés dont la façade se veut criblée d’enseignes, souvent ovale, vantant des marques de bière… Tel est l’aspect de tant de localités en Picardie et dans le Nord, à la fois paisible et angoissante par l’absence de vie en plein air ; habitants calfeutrés chez eux à cause des griffes que plante férocement le froid. Seules quelques silhouettes voûtées s’aventurent au dehors : des personnes âgées, appuyées sur leur canne, qui sont allées faire leurs commissions.

Voilà bien l’ambiance de solitude et d’abandon qu’on ressent à Saint-Just en Chaussée, sur le plateau picard, à une demi-heure, par le train, de Creil, ou plutôt à mi-chemin entre celle-ci et Amiens. Une église écrase, de tout son clocher, ce bourg comptant 5.000 habitants, qui s’est étoffé autour de quelques rues attelées les unes aux autres comme pour ne former qu’un nombre limité d’axes routiers. Ainsi, la rue de la Libération, à partir du pont traversant la ligne ferroviaire Paris-Amiens, devient la rue de Beauvais, puis à partir d’un croisement avec les rues d’Amiens et Paris elle prend le nom de Montdidier. Curieuse habitude française de compliquer les choses…

5000 habitants : ce chiffre est mentionné par la caissière du tabac vis-à-vis de la gare, qui évoque «une ville dortoir». «On est à une heure et quart au maximum de Paris et de plus en plus de gens viennent habiter ici, car les loyers sont deux fois moins élevés.» Le jeu contraignant des allers-retours au quotidien en vaut largement la chandelle financière.
Et la région se met à souffrir, semble-t-il, des maux affectant la civilisation urbaine fondée sur le fort brassage  - et même, la confrontation -  des strates culturelles et sociales, comme l’indiquent les gros titres d’un journal local, le Bonhomme Picard : «Des individus pillent les vestiaires du stades» (dans la ville proche de Clermont), «La vente de voiture tourne au pugilat (Bornel), «Vol de voiture, trois individus interpellés et placés en garde à vue», «Des plantes illicites dans les Pots de Fleurs» (Rancigny), etc.
Sur le site tenu à jour par la mairie de Saint-Just, on peut lire : ‘Pour le bien être et la sécurité de ses habitants, la ville est équipée d’un système de vidéo protection».
Sur la ligne Paris-Amiens, la gare de Saint-Just en Chaussée







vendredi 21 janvier 2011

Entrée de métro florissante


Au fonds, la place de la République

Vendredi 21 janvier 2011
(Métro Temple – Rue Vieille du Temple)

Certaines émotions résument mieux que d’autres le romantisme exprimé par cette source d’émotions perpétuelle, à savoir Paris.
Par un jour d’hiver, en plein janvier, que ranime un fulgurant rayon de soleil en début d’après-midi : l’entrée du métro Temple bourgeonne d’élégance, comme un jardin devenu fiévreux au printemps, avec ses tiges, balustrades, cartouches (verts) et globes (orangés) caractéristiques de l’Art Nouveau. L’enseigne ovale où est inscrit le si joli mot «métropolitain» éclate d’un jaune vif. Calligraphie, effectivement, nerveuse, raffinée et somme toute très florale.
A l’arrière plan, en partie marquée par des touffes de branches, une statue en bronze domine la place de la République. Elle brandit, de sa main droite, un rameau d’olivier. Voilà un geste qui évoque l’annonce d’un triomphe. La victoire, en somme, d’un jour de printemps anticipé sur le trop rude hiver.

Y. Le H.

dimanche 16 janvier 2011

Une fontaine et une église monumentales

Vendredi 14 janvier 2011Place Saint Sulpice
Tout en arrondis, faite de circonvolutions et de tourbillons, la place Saint-Sulpice. Elle est rythmée par le froissement léger de cascades frôlant la crinière de quatre lions, sur le point de rugir, qui veillent en parallèle avec quatre dignitaires de l’Eglise logés dans de spacieuses niches, plus haut.
La Fontaine des Quatre Evêques : tel est son nom. Bossuet, Fénélon, Massilon, Fléchier : ils représentent tout à tour Nîmes, Clermont, Cambray et Meaux. Impassibles, la main posée sur un livre, plongés dans leurs pensées, ils portent des robes dont les plis semblent aller de pair avec les froissements de l’eau jaillissant, plutôt bruyamment, à leurs pieds.

Par son style baroque, ladite fontaine ressemble beaucoup à celle des Innocents, qui se dresse sur l’autre rive de la Seine, à Châtelet, elle aussi dégoulinante d’histoire et pleine de romantisme.

Mais s’il est une église unique à Paris, par son caractère imposant et son style, c’est bien celle de Saint Sulpice.


Au bas d’une colonne, près des grandes orgues (20 m. de hauteur), une affiche résume ce que les visiteurs et fidèles sont enclins à ressentir: «Vous venez de visiter cette belle et majestueuse église construite sous Louis XIV.» En fait, la construction de Saint-Sulpice, dont Anne d’Autriche, régente, posa la première pierre, s’étala sur près d’un siècle et cet ambitieux projet architectural connut bien des avatars. La façade, allongée, constituée de deux portiques superposée, trahit une influence carrément romaine, entrecoupée de pilastres doriques et corinthiens.

Tourne manège…

Mercredi 12 janvier 2011
(Hôtel de Ville, rue de Rivoli)

Pour enchanter petits et grands...
La ville acquiert une personnalité, génère des élans de sympathie non pas seulement à grand renfort de belles constructions, d’édifices flatteurs pour les yeux, mais aussi au gré de petits détails. Et c’est précisément le chic qu’a Paris d’offrir, près ou loin des grands centres touristiques, des petits bouts de charme, des espaces de rêves, qui nous réconcilie avec une certaine âme d’enfant.

Après les terribles coup de semonce de l’hiver, au moment des prétendues fêtes de fin d’année, voici une sensation, certainement furtive, de légèreté et de liberté retrouvées. Le fonds de l’air se fait plus tiède, les jours, l’un après l’autres, conquièrent quelques secondes supplémentaires arrachées à la nuit, et il s’est même trouvé un arbre, dans un square du 15ème, près de l’hôpital Pompidou, pour se couvrir de fleurs d’un rose translucide.

Entre hiver et printemps : le manège dont petits chevaux et carrosses en bois décrivent des élipses sur le parvis de l’hôtel de ville. Très bien entretenu, il paraît tout droit sorti d’un conte de fées, avec ses guirlandes d’ampoules épousant ses contours en arabesque. S’approchant, on aperçoit même, au côté des chevaux, des girafes striées de jaune et de marron. Plutôt baroque, ce manège coiffé d’un chapeau orné de pétale noir sur fond blanc se prolonge par une sorte de clocheton comportant, à son faite, une boule rouge comme le nez d’un clown.


Peu d’enfants, hélas, ont fait des chevaux et zèbres leur monture ; ce qui obtient du succès, c’est la patinoire au pied de l’hôtel de ville aménagée pendant quelques semaines. Gosses et adolescents tournent, eux aussi, tels des manèges…

Y. Le H.